
Comptes Rendus Palevol
24 (21) - Pages 397-424Les proboscidiens, un groupe de mégaherbivores terrestres abondant et diversifié durant le Cénozoïque, revêtent une grande importance dans l’étude des adaptations morphologiques et dans la reconstruction des paléoenvironnements en Afrique. Cette nouvelle étude de la lignée Elephas recki (Dietrich, 1915) (ou « complexe Elephas recki ») des dépôts plio-pléistocènes de la Formation de Shungura a pour objectif d’investiguer plus avant les interrelations entre adaptations morphologiques et adaptations comportementales au sein des proboscidiens. Pour cela, nous utilisons les troisièmes molaires les plus complètes et les mieux préservées de cette série pour caractériser les changements morphologiques, tout en décrivant le comportement alimentaire en appliquant l’analyse angulaire des méso-usures à toutes les dents identifiables. Les variations des caractères biométriques indiquent une évolution différant d’une tendance graduelle et progressive pendant le dépôt de la séquence de Shungura. Au lieu de cela, nous observons une tendance complexe impliquant des changements abrupts. L’analyse angulaire des méso-usures suggère qu’Elephas recki de la Formation de Shungura avait un comportement alimentaire invariable de paisseur (consommateur de monocotylédones herbacées telles que les graminées et les cypéracées), à l’exception de légères tendances à une alimentation mixte paisseur/brouteur à certains moments. Nous n’avons donc observé aucune corrélation entre changement morphologique et préférences alimentaires durant plus de deux millions d’années. Ce décalage entre l’acquisition du régime alimentaire observé et les changements morphologiques supposément résultants remet en question les interprétations classiques concernant les facteurs à l’œuvre dans cette séquence évolutive.
Elephas recki, épaisseur de l’émail, index d’hypsodontie, méso-usures, Formation de Shungura